Dates : du 23 au 30 juillet 2022
Animateur : Thierry
Transport aller-retour : en co-voiturage, 2 voitures de Montferrand à Bidous

Météo: très variée. Grand soleil très chaud le dimanche ; brumes et crachin le matin des autres jours avec des après-midi variables ; orageux le jeudi ; orages et pluie le vendredi matin – soleil dans l’après-midi
Animaux: pas d’animaux à 4 pattes, des vautours fauves, une salamandre…

Carte : 2048 OT
Cumuls : KM= 82 D+ = 8100 m environ

Jour 0 : L’installation
Après un voyage aller sans souci, nous nous installons dans notre grand gîte d’étape à Bidous dans la vallée d’Ustou ; vallée encore bien verte si on la compare aux paysages de sécheresse de l’Aveyron traversés plus tôt dans la journée. Bidous est situé au pied du cirque de Cagateille, un des plus grands cirques pyrénéens. On devine le port de Couillac tout là-haut. Sommet que nous atteindrons dans la semaine. Le gîte semble bien confortable et nos hôtes accueillants ! Le repas du soir et les premiers échanges commenceront à nous prouver que nous sommes bien tombés. Avant le repas et puisqu’il n’est pas très tard, rien ne vaut un petit dégourdissement des jambes. Nous montons vers Ossèse en amont le long du ruisseau du même nom. Une grande cascade nous rafraîchit à distance. En contrebas, trois dames se préparent à plonger dans de belles piscines naturelles. Sans vouloir perturber leur tranquillité, nous sommes vraiment tentés de les imiter. Deux minutes plus tard, nous les avons rejoints. Bien-être immédiat. Bain qui ouvrira les appétits et fermera rapidement les yeux des baigneurs du jour 😊 Nous aurons droit après le repas aux histoires d’un conteur. Pierre, accompagnateur en montagne a rôdé ce soir-là ses histoires auprès d’un public conquis. Il est question de montreur d’ours et de sorcières…

Jour 1 : Cap de Ruhos 15 km – 1400 m D+ – 8h31 de déplacement

Cabane de berger sous le col des Crusous


L’objectif de cette première journée est le Cap de Ruhos, sommet qu’on atteint à partir de la vallée du Salat. Pour y arriver nous traversons un gros village, Couflens, bien désert et sans commerce et enfin Salau. La rando commence au-dessus de ce hameau, aux portes d’une mine désaffectée mais qui bouge encore. C’est en effet une ancienne mine de tungstène en exploitation de 1971 à 1986… A ses grandes heures, sa production représentait 2% de la production mondiale et elle employait plus de 100 mineurs. Leur logement HLM à Salau frappent les visiteurs : comment expliquer la présence de 4 barres d’immeubles dans ce petit hameau de bout de vallée ? La mine était considérée à l’époque comme enjeu stratégique pour la France. Le tungstène est un des minerais les plus durs et résistants ; à ce titre il est prisé dans l’industrie automobile ou aéronautique. Mais le plus faible coût du minerai extrait en Chine principalement eut raison de cette volonté d’indépendance. 22000 tonnes de minerai furent extraites en 15 ans. De cette exploitation, nous avons sous nos yeux certains de ces résidus : un immense terril formant une sorte de plateforme où gisent près d’un million de m3 de terre de déblai. Résidus non encore dépollués et désamiantés à proximité des sources du Salat…. On y trouverait de l’arsenic issu du traitement chimique de l’extraction. Je disais plus haut qu’elle bougeait encore car en 2015, une société australienne a déposé un permis d’exploitation et de recherche minière afin d’évaluer une possible réouverture : d’après les ingénieurs de la boîte, il resterait quelques 15000 tonnes de tungstène à extraire. Le permis a été deux fois annulé par la justice mais en mai dernier c’est un arrêt du Conseil d’Etat qui a annulé les annulations. Retour à la case départ donc. Muni de toutes ces explications, le groupe s’engage dans une raide montée boisée jusqu’à la cabane de Saubé. Nous y faisons halte pour bénéficier d’un point de vue sur le Mont Vallier et ses copains, à l’ouest. Nous reprenons une sente herbeuse dont nous nous écartons involontairement. Cela nous oblige à la rejoindre au prix d’un beau passage en dévers toujours bon pour les cuisses. Je navigue à vue sans suivre forcément la sente mais en maintenant mon cap. Nous sommes dans des zones d’estive. La seconde pause nous amène justement après plus de 600 m d’ascension près de la nouvelle cabane de Fontaret, installée depuis peu sous l’égide du département. Pas de bêtes à l’horizon. En nous retournant de temps en temps, le paysage offert est toujours grandiose. La sente serpente dans les éboulis et le minéral désormais sur une pente soutenue jusqu’au col de Crusous à 2217m. Plein nord, au-dessus du col se dresse le pic de l’Arrech (2353m). En continuant plein est, nous pourrions rejoindre la sente qui monte au port de Marterat où nous serons le lendemain. Encore 400m pour atteindre notre but. La chaleur commence à se faire sentir. Le sommet n’est pas encore visible. La dernière partie de la rando se déroule en partie en crête, en partie à flanc, au gré du terrain et en sécurité. Finalement après quelques passages aériens, nous devinons le cap de Ruhos. Certains des nôtres ont pris de l’avance mais n’ont pas suivi la voie la plus directe… Ils seront néanmoins au sommet avant le reste du groupe. Les derniers mètres sont les plus durs pour beaucoup d’entre nous. Après près de 4 heures d’effort nous sommes tous au sommet. Le regard plonge sur l’Espagne au sud avec l’étang de Mariola 400 m plus bas, les Mont Rouch (de France et d’Espagne) se devinent à l’ouest, les pics de Marterat et de Certescans à l’est. Au sommet, nous rejoignons deux sympathiques randonneurs montés justement à partir de la vallée de l’Ossèse. Ils nous questionnent – qui sommes-nous, d’où venons-nous, quel sera notre programme ? – et on leur parle d’Atlas. On leur donne l’URL du site. Nous recevrons d’ailleurs quelques jours plus tard sur le site d’Atlas un gentil mail de l’un d’eux. Quelques minutes après leur départ, Sandrine s’aperçoit que ses bâtons ont disparu, empruntés par erreur par l’un des collègues catalans. Nous les apercevons au loin plus bas dans la pente. Nous leur faisons de grands signes en leur montrant des bâtons. Ils nous entendent finalement et à leur tour nous saluent : ils n’ont pas compris. Je décide de les rejoindre avec Laurent. Ils avaient bien progressé ! L’un d’eux a finalement fait demi-tour suite à notre insistance à les héler et monte à notre rencontre. Le randonneur pensait qu’on lui ramenait son beau canif oublié. Par chance, c’est lui qui utilisait les bâtons empruntés à Sandrine. Nous faisons l’échange et remontons les 100 m perdus jusqu’au sommet. La partie la plus difficile de la rando, la descente, s’amorce alors. Quelques cairns nous guident dans les rochers. Le sol est sec et se dérobe parfois… La prudence est donc de mise. La chaleur est maintenant écrasante. Il nous faudra près d’une heure pour rejoindre le col et trois heures encore jusqu’aux mines. Les réserves d’eau sont très faibles malgré près de trois litres embarqués par personne. Même l’arrivée dans les bois sous la cabane de Saubé n’offre pas le répit et l’ombre espérés. Le soleil traverse les arbres. Enfin nous revoilà sur la passerelle du ruisseau des Cougnets à quelques centaines de mètre des voitures. Grande pause rafraichissante dans l’eau du ruisseau. Retour au gîte après une petite pause au café de Saint-Lizier (avant Bidous) où nous commençons à avoir nos habitudes 😊

La crête vers le Cap de Ruhos

Jour 2 : Port de Marterat 14 km – 1407 m D+ – 8h14 de déplacement

En montant au Marterat

Nous restons dans notre vallée d’Ustou aujourd’hui. Peu de voiture donc. Après deux km de transport, nous voilà à Ossèse (920 m) petit hameau sans eau courante ni électricité qui compte quelques résidences secondaires. Philippe notre hôte nous accompagnera avec sa fidèle Mendy une jeune border collie très joueuse. Le parcours sera moins difficile que la veille avec un sentier plus ou moins tracé mais avec la dénivelée réglementaire quand même 😊 La brume descendue très bas bouche la vue vers les hauteurs. Le chemin s’élève doucement en suivant l’axe de la vallée. Nous marchons sous un couvert fourni. La forêt n’a pas toujours recouvert les pentes de ces vallées. Assez peuplée jusqu’à la 1ère Guerre, il fallait nourrir les populations et toutes ces pentes vertes aujourd’hui étaient cultivées en terrasse pour produire les céréales et légumes nécessaires. Progressivement les arbres font place à des prés ; nous croisons nos deux Catalans de la veille qui redescendent de leur bivouac. Bien sympa les gars ! Le chemin s’élève bien maintenant mais nous ne voyons rien des flancs de montagne qui pourtant nous dominent. Nous parvenons après une bonne heure de marche à la Croix de la Portère. Petite halte pour évoquer le thème du séjour, les chemins de la Liberté, moment d’Histoire poignant dans le Couserans. Par sa proximité avec l’Espagne, les chemins qui mènent à la frontière sont nombreux et pas tous faciles d’accès. Ce sont près de trois milles personnes qui ont fui par les chemins de l’Ariège, l’oppression Nazi ou la police de Vichy parce qu’ils étaient Juifs, communistes, réfractaires au STO ou pilotes américains et anglais cherchant à regagner leur liberté par l’Espagne d’abord et ensuite vers l’Angleterre ou l’Afrique du Nord. Des réseaux se sont progressivement mis en place pour prendre en charge les candidats à l’évasion dans les villes / villages / hameaux du bas pays. Il faut distinguer deux périodes dans cette épopée : l’avant et l’après novembre 1942. Avant l’envahissement de la zone libre, l’aventure était difficile à cause des conditions de marche en montagne et le pauvre équipement des personnes mais le risque d’être arrêté par les gendarmes français restait assez faible. Tout change après novembre 42 : les Allemands multiplient les patrouilles sur les points de passage fréquentés obligeant les passeurs à emprunter des chemins de plus en plus difficiles et la nuit de préférence. Ces passeurs connaissent bien leur montagne : ils sont paysans, bergers… Ils paieront un lourd tribut à leur engagement. Les Ariégeois qui cachaient les réfugiés chez eux avant leur départ, parfois pendant de longues semaines ne doivent pas être oubliés eux-aussi car ils. Ils prenaient d’énormes risques Ainsi à Aulus, où de nombreux Juifs s’étaient réfugiés, la grande majorité des habitants avaient pris fait et cause pour les familles entières qui cherchaient à fuir les protégeant de leur complicité. Une jeune fille d’Aulus justement, Jeanne Rigal, âgée de 21 ans réalisa des passages avec son père, éleveur. Une fois c’est une famille entière avec deux garçonnets, quatre hommes et trois femmes qu’ils aident. En chemin le petit groupe croise la route de Jean Baptiste Rogalle, le futur époux de Jeanne, qui conduit un couple, leur bébé de huit mois et sa grand-mère vers l’Espagne. Jeanne raconte : « Ils étaient épuisés, alors j’ai pris l’enfant dans mes bras, il me regardait calmement avec ses beaux yeux bleus, j’ai passé la frontière en premier, je l’ai posé et fait demi-tour pour aider les autres ». En 2004 lorsque Jeanne est décorée, un homme aux cheveux gris arrivant de Montréal assiste à la cérémonie ; Jeanne reconnaît le beau regard clair. C’était celui du bébé qu’elle avait serré contre elle et emmené jusqu’à la frontière ce 4 décembre 1942. Son nom à Jeanne, celui de son père et celui de son mari sont gravés sur le mémorial des Justes en Israël. Une fois parvenus en Espagne, ils n’étaient pas sortis d’auberge car, arrêtés par la Police, ils devaient séjourner plusieurs semaines dans la prison de Sort avant d’être libérés, souvent suite à des accords plus ou moins occultes avec les Alliers portant sur une fourniture importante de denrées : l’Espagne sort de 5 ans de Guerre civile et elle manque de tout…..

Le chemin le plus célèbre en Couserans est celui qui part de St Girons pour arriver à Esterri d’Aneu par le col de la Claouère et le mont Vallier. Ce chemin d’évasion d’une longueur d’environ 80 kilomètres est le plus difficile avec des sommets qui culminent à près de 2 500 mètres. Une association de Saint-Girons, « les Chemins de la Liberté » commémore chaque année ces épisodes tragiques en reparcourant la totalité du chemin sur 4 jours. Longtemps animés par les contemporains de cette époque, il lui faut aujourd’hui compter sur les écrits et les témoignages recueillis pour assurer le devoir de mémoire. Je les avais contactés pour organiser un échange lors d’une soirée dans notre gîte mais cela n’avait pas débouché. Je prévoyais également la visite du Musée à St Girons sur la route du retour le samedi. Hélas, son jour de fermeture depuis juin ….

 La cabane de Marterat vue du Port

Philippe habitué des lieux reconnait que notre rythme est soutenu. Quelques sources et ruisseaux bienvenus nous aident à récupérer. Le chemin serpente sous ou à travers des barres rocheuses. Vers midi trente nous parvenons à la Cabane de Marterat à 100 m sous le Port. A Ossèse, la cabane était annoncée à 4h30 ; il nous aura fallu à 4 heures pour y parvenir. La cabane est bien équipée et propre. Philippe nous y attendra. Nous continuons jusqu’au Port (2217 m) où nous déjeunons. En Espagne, comme la veille ce sont des étangs que l’on aperçoit. Aujourd’hui l’estany del Port. Nous retrouvons à l’ouest note cap de Ruhos. Au loin vers le sud, je devine l’orage qui s’approche. Nous entamons la descente sans tarder mais la pluie nous rattrape un peu plus bas. Habillage-déshabillage… Deux, trois coups de tonnerre mais rien de plus. Progressivement, la brume se déchire et des rayons de soleil éclairent la montagne que nous n’avions pu voir à la montée. Cascades et pics s’offrent à notre regard et nous en profitons …. Une belle salamandre croise notre chemin. La descente par le même sentier nous prendra trois bonnes heures. La deuxième rando du séjour s’achève : nous respectons le programme 😊

Jour 3 : Port de Salau 14 km – 1150 m D+ – 7h28 de déplacement

Montée dans la brume

Un nouveau col sera notre but aujourd’hui. Point de départ à nouveau la vallée du Salat au-dessus de Salau pour rejoindre à l’ouest le Port du même nom. J’avais prévu d’intercaler des randos moins engagées pour souffler un peu : celle-ci en est une. Le GRT 57 est le sentier normal. Nous lui préférons une petite variante à la montée plus courte et donc plus escarpées qui nous fait passer dans la hêtraie du bois de St Jouan. A l’amorce du chemin, nous tombons sur un couple de cavaliers en train d’équiper leurs montures. Ils sont partis des Pyrénées Orientales et cherchent à atteindre l’Atlantique en traversant la chaîne et en faisant du saute-moutons avec la frontière. Outre leurs chevaux ils sont accompagnés d’un mulet qui leur transporte une partie de leurs réserves. De proche en proche, nous foulons d’anciennes sentes bordées de gros buissons de buis. Après plus d’une heure d’effort, nous rejoignons le GRT que nous essayons de suivre jusqu’au sommet. En effet, le sentier mal balisé n’est pas facile à suivre dans tous ses zigs et ses zags… Une ou deux fois, il faudra se forcer pour le retrouver. Dans ces cas-là, rien de tel qu’un Laurent bondissant pour jouer les éclaireurs et vérifier les hypothèses de l’animateur 😊 Le terrain se prête aux raccourcis qui me paraissent naturels mais que se refuse le tracé officiel. Nous le suivons donc.

A partir de son deuxième tiers, le chemin traverse de grandes zones d’estive : a priori l’herbe est laxative puisque sur plusieurs dizaines de mètres nous marchons sur un tapis d’excréments. Le parcours est beaucoup moins montagneux que les deux jours précédents. La brume, elle, est autant présente que la veille. Il faudra parvenir au sommet pour qu’elle se déchire en volutes tournoyantes. Enfin parvenu sur le Port, nous découvrons les ruines de grandes installations. Quesaco ? Au début du 20ème siècle, l’industrie papetière du Couserans manquait de bois à cause de la surexploitation de la forêt ariégeoise. Il fallait donc en importer de vallées proches à vol d’oiseau mais au-delà de la frontière C’est le cas entre la vallée de la Noguera Pallasera et Salau par le col. C’est la grande société papetière de St Giron, Matussière et Forest, qui fit construire ce chemin de fer aérien dont certains pylônes sont encore visibles de proche en proche. Les arbres acheminés à Salau étaient transformés en pâte à papier dans une usine à la sortie du hameau le long de la route. Le grand bâtiment du Port dont nous voyons les ruines était en fait l’endroit où était effectué le contrôle douanier. Depuis une quarantaine d’année, le Port de Salau est le lieu de retrouvailles et de fête à l’occasion de la Pujada : près de 300 Catalans et des Occitans se retrouvent au sommet le premier dimanche d’août pour célébrer l’amitié transfrontalière.

Ruines des Douanes au port de Salau

Du sommet, on aperçoit au sud le pic de Bassibié, au nord les pics de Portabère et de Montaud. A l’ouest le seigneur du Couserans, le Vallier…Avant d’être empruntés par les réfugiés des années 40, cette crête frontière avait été traversés par les Républicains espagnols lors de la Retirada. Quand l’histoire et la géographie se rencontrent…

Nous traversons à la descente les troupeaux de vaches que nous n’avions pas vues à la montée. On les contourne autant qu’on le peut mais la lourde présence du taureau qui nous surveille en effraie quelques-un(e)s. Une fois parvenus sur la longue piste finale, nous nous arrêtons à la belle cascade de Léziou juste après avoir vu l’embranchement matérialisant le départ pour la rando du Mont Rouch. Juste de quoi faire peur pour le lendemain… L’occasion d’une douche tonique pour Patrice 😊 La journée se terminera avec une visite de Seix, beau village sur le Salat avec un Musée local intéressant et ses maisons à l’architecture typique du haut Couserans.

Jour 4 : Mont Rouch de France 15 km – 1100 m D+ – 9h de déplacement

Dans le pierrier

C’est l’étape reine du séjour avec ses 1900 m de D+ Nous nous sommes levés à 6h15 pour être d’attaque au plus tôt. Même point de départ que la veille. Le début de la rando en forêt est abrupt. C’est une forêt « sauvage » de hêtres où l’exploitation humaine ne semble pas avoir prise…. Nous remontons le Leziou, le ruisseau de la cascade. Pas de balisage ni de chemin tracé pour cette rando. Je suis donc très attentif à la navigation. Pas suffisamment ? la sente est sensée s’orienter à l’ouest et j’en prends donc la direction. Rétrospectivement c’était trop tôt. Je suis pourtant une trace prononcée mais qui s’avère nous écarter de la route normale. Un point GPS me le confirmera un peu tard. Mea culpa. Il faut suivre un cap franchement à l’est pour retrouver notre piste. Mais ce n’est pas la Beauce : nous nous rapprochions de barres rocheuses et en contrebas un très grand pierrier s’offre comme terrain de jeu avec de beau devers. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, on dira que c’est un excellent exercice où certains Atlassiens s’avèrent meilleurs que d’autres…. Après avoir rassemblé le groupe qui s’était un peu trop égaillé – les uns trop haut dans la pente, les autres un peu en arrière, je donne les indications pour franchir le dernier obstacle et nous revoilà dans la forêt exactement sur la sente. Nous sortons quelques minutes plus tard des bois pour retrouver des sentes herbeuses. Comme les jours précédents, la brume nous accompagne. Nous avançons plein sud, à flanc et d’immenses barres rocheuses nous surplombent. Mais on ne voit rien de ce qui nous entoure. Un ravin assez profond apparait. La paroi est équipée d’une main courante qui sécurise la descente pas très exposée pourtant jusqu’au point de franchissement par le haut de la cassure. Il y a beaucoup d’appréhension pour certains mais finalement tout le monde passe. L’épisode aura malgré tout duré trop longtemps (voir plus loin 😊). Plus haut, nous devinons une présence humaine sur le haut d’un rocher : c’est un couple de jeunes bergers qui surveillent comme ils peuvent leur troupeau de brebis. Finalement, la sente part à l’ouest et la pente s’adoucit un peu. Nous parvenons alors au-dessus d’une petite dépression, le Clos du Dessous, dans laquelle est posée la cabane de nos bergers. Le soleil commence à percer et disloque petit à petit la brume qui tournoie. Le ciel est bleu et le mont Rouch se dévoile d’un coup à notre sud. Il est bien perché 800 m au-dessus de nous. La brume au gré du vent voile à nouveau la montagne. Ce jeu dure tout le temps de notre repas.

Le Mont Rouch de France tout là-haut

Quand le soleil l’emporte, je devine la suite de l’itinéraire : plein est sous le pic du Laquet puis sud-est jusqu’à la crête frontalière et enfin SW en crête jusqu’au sommet. Je réfléchis à ce que nous pouvons faire car nous avons perdu 1h30 dans la forêt et dans le franchissement du ravin. Nous avons mis presque 5h pour arriver à notre pause méridienne : il est 13h, il nous faut 2h environ pour le sommet et près de 4h30 à 5 h de descente. Surtout, le soleil n’est pas si vaillant que ça…. Tout bien pesé, je prends la décision d’en rester là. Cela frustre certains Atlassiens, moi y compris mais je sais la descente longue et difficile surtout après une fin d’ascension un peu engagée. A regret donc, nous entamons la marche retour sans avoir atteint l’objectif mais pleins de belles images en tête de ce sommet âpre et sauvage. La brume nous retombe dessus. Par temps très humide, la descente serait dangereuse mais aujourd’hui le sol est sec. Après une heure de descente, le soleil a décidé de continuer à briller (ce qui a le don de m’agacer, vu la décision prise un peu plus tôt). Nous rencontrons le troupeau de brebis qui vient à notre rencontre : ça prend du temps de laisser passer cette centaine de petites bêtes ! Nous retrouvons quasi à la même place la bergère tranquillement installée en train de se rouler une cigarette sur un point haut propice à la surveillance du troupeau. Plus bas, après un second franchissement du ravin toujours un peu laborieux, nous retrouvons le Leziou, ruisseau puissant qui dégringole une pente soutenue. Nous sommes dans l’alignement de la vallée : tout au fond on devine Salau. Puis c’est l’arrivée dans la partie boisée de l’itinéraire tout en zigs et en zags. A un moment, nous voyons très bien l’endroit de l’erreur du matin 😊 On s’en souviendra pour la prochaine fois. La beauté de cette forêt qui s’arrange toute seule me saute aux yeux. C’est presqu’à regret que nous retrouvons la grande piste qui nous ramène au parking. Finalement la dénivelée du jour aura été « modeste » mais le cheminement, difficile parfois, laissera de bons souvenirs de randonnée exigeante.

Descente dans la brume et les brebis

Jour 5 : Port de Couillac 13 km – 1430 m D+ – 9h19 de déplacement

Début de descente vers l’étang

La météo est instable depuis la veille. Je marcherai toute la journée dans la crainte des orages. La rando va nous conduire au port de Couillac que nous voyons depuis 5 jours à notre sud-est. Elle est plus connue que celle de la veille. Mais à la montée, nous ne dépasserons qu’un couple de randonneurs. Nous montons par un beau sentier le long du ruisseau des Cors. Sur notre droite un panneau nous indique l’accès au cirque de Cagateille. Nous l’apercevons à travers le feuillage… Il serait le deuxième plus grand cirque des Pyrénées ? La sente s’oriente à l’est et d’un coup devient raide. Nous montons encore dans une belle hêtraie : nous franchissons la barre rocheuse où une main courante sécurise la progression. Vers 1650 m, nous sortons de la forêt ; quand nous nous retournons nous sommes pile dans l’axe de la vallée d’Ustou… Nous continuons de progresser sur de belles plaques de granit fin (ou de grès) lissé par les glaciers. Le minéral adhère et rend la marche sûre. Nous remontons ainsi jusque sous le déversoir de l’étang de la Hillette. A cet endroit, deux possibilités : descendre à l’étang par un passage équipé de câbles et d’échelles sur une trentaine de mètre ou passer par le haut de l’étang. Notre groupe se sépare : une partie descend avec moi et Yves accompagne l’autre partie. La descente est un peu plus engagée que la veille mais tout le monde progresse bien y compris les plus néophytes sur ce type d’exercice. Nous contournons l’étang par l’est : deux trois bivouacs ont été installés dans cet endroit bien attirant même si aux dires des campeurs les moustiques n’étaient pas en congés d’été 😊. Nous cherchons la trace qui rejoint l’itinéraire normal ; après un bon petit coup de cul nous retrouvons Yves et les collègues. Le passage qu’ils ont suivi était particulièrement aérien selon certains. A la descente par la même sente, ce ne sera pas tellement perceptible… Le port de Couillac (2416 m) est maintenant bien visible et semble proche. Illusion d’optique, il nous reste encore 400 de D+ à assurer, sous un soleil pas trop franc… Nous progressons à travers de longs bancs rocheux jusqu’à atteindre une petite dépression avec une mare et deux cabanes de berger du même style que celle du cap de Ruhos. Elles sont occupées cette fois. Nous contournons le parc vide des brebis et nos rejoignons en 5 minutes le col. La météo ne m’incite pas à éterniser les agapes. Ça se charge vite coté espagnol. Nous profitons malgré tout du panorama. La pointe de Rabassère (2568 m) est juste à notre Est et le Pic de Couillac (2601 m) un peu plus à l’ouest. Côté espagnol, on aperçoit trois étangs dont celui de Colatx (Couillac en catalan), de Seno et le plus grand, de Remedo de Dalt. J’avais prévu initialement de continuer jusqu’au pic de Couillac mais je décide d’amorcer la descente. Dommage, on aurait pu voir le grand étang de Certascans…

Etang de la Hillette

La météo se maintiendra pourtant jusqu’à la fin de la rando. Comme toutes les descentes de notre semaine, celle-ci est longue et exigeante. Et elle se déroule dans une chaleur de plus en plus étouffante et plus ou moins vite suivant les personnes. Yves m’assiste en fermant la marche. Une pause à hauteur du ruisseau de la Hillette permet un bain de pied réconfortant. Le ruisseau est propice aux activités de canyoning, nous entendons un peu plus bas des éclats de voix… Le groupe arrive au parking en même temps que nous. Encore une belle journée de randonnée au parcours et décor très variés qui nous laisse pleins de beaux souvenirs. Et comme toujours, nous retrouvons notre gîte avec plaisir. Aujourd’hui, les bières fraîches d’après douche seront les bienvenues 😊

Jour 6 : Etang d’Allet – Château de la Garde 11 km – 500 m D+ (270 +230) – 4h de déplacement

Sous l’orage

La météo se dégrade fortement pour cette dernière matinée. J’ai choisi une petite boucle pour éviter les orages qui arrivent un peu plus tard dans la journée. Peine perdue ! Nous partons d’un petit parking bien au-dessus de la station de Guzet Neige en direction du sud-est vers l’étang d’Aubé. Des voitures, nous voyons des écrans de pluie au-dessus de la vallée d’Ustou. Nous nous préparons quand même au départ avec de lourds nuages au-dessus de nous. L’étang est à 2 km à peine avec 200 m de D+ : je pense donc pouvoir au moins y parvenir. Après, fermer la boucle par le sud et l’ouest en passant sous la pointe de la Hillette comme imaginé bien au chaud dans le gîte c’est une autre histoire. Nous progressons assez rapidement sur des rochers plus ou moins humides. Nous parvenons au col avant de continuer en légère descente. Mais après une petite heure, l’orage est au-dessus de nous. La pluie commence à tomber et le vent à se lever. Nous ne verrons pas l’étang car je décide de rebrousser chemin et revenir aux voitures le plus vite possible. C’est sous un déluge que nous y parvenons. Dommage, le secteur sauvage était propice à une belle rando. Arrivée près d’une cabane à proximité des voitures, Sophie découvre un pauvre randonneur qui s’abrite comme il peut (comme il pleut 😊). Il est anglais et parcours le GR 10 d’ouest en est ; il était parti le matin-même du camping de Saint-Lizier dans la vallée d’Ustou et il cherchait à rejoindre Aulus, le gros bourg de la vallée. Il en a encore pour 4 à 5 heures de marche…. Je lui propose de le redescendre car nous prévoyons de gagner la ville pour nous réchauffer autour de bons cafés / chocolats. Il accepte volontiers. Nous arrivons à Ustou avec une pluie qui redouble. Nous quittons James qui va chercher son camping : on lui a vraiment éviter une fin d’étape pourrie. En guise de pause réconfortante, la bistrotière ne voulant pas nous laisser entrer dans son café par crainte du… COVID, nous nous asseyons sur la terrasse plus ou moins à l’abri. Les boissons chaudes ne nous réconfortent pas plus que çà. Plutôt que le COVID ce sont nos chaussures et nos vêtements trempés qui devaient l’inquiéter. Nous retrouvons finalement le gîte avant midi : Philippe qui fait bien les choses a allumé un beau feu dans sa cheminée. Le groupe, confortablement installé dans le canapé et les fauteuils se laisse aller à une douce torpeur. Vers une heure, après notre pique-nique en intérieur avalé, le soleil réapparait timidement. Je propose au groupe d’aller visiter les ruines d’un château que nous avons entre-aperçu au-dessus du Pont de la Taule , à chaque fois que nous sommes revenus de Salau : le hameau est juste au confluent du Salat et du ruisseau d’Alet. Proposition acceptée ! L’aubergiste du Pont nous donne le point de départ du sentier qui mène au château. La sente, au moins à l’amorce de la montée, n’est pas évidente. Et je progresse façon sanglier en ferraillant un peu avec les ronces 😊 Patrice moins bourrin trouve un soupçon de piste qui progressivement s’élargit… sans franchement candidater au statut de PR ! Ça continue de monter et ça en décourage quelques-uns. Nous sommes 5 à parvenir à l’entrée de la tour, interdite par une grille. Peu importe, le défi est relevé. Nous reviendrons par un chemin beaucoup plus large qui débouche sur la route menant au Pont.

Le château de la Garde 

Cathare pas cathare ? L’absence d’information autour du château laisse la question ouverte 😊 En fait, toute la zone autour du château est privée. Cela explique sans doute le manque de mise en valeur ? Cette petite excursion marque la fin de notre programme. Pour beaucoup, cette semaine a été une bonne occasion de découvrir les Pyrénées : la diversité de ses paysages, de ses vallées étroites aux pentes boisées, la rudesse de ses ascensions, les panoramas de ses sommets, de ses torrents et cascades qui même à un niveau inférieur à leur niveau habituel donnent encore l’impression d’une vie riche et joyeuse.

Merci à nos chauffeurs, Patrice et Yves. Merci à Yves pour ses petits coups de main et ses relevés kilométriques et altimétriques. Merci à Sandrine, Sophie et Laurent pour leurs photos
Je terminerai en évoquant nos hôtes, Nathalie et Philippe. Leur accueil fut chaleureux, les échanges riches et naturels, la chair simple et excellente. Tout s’est combiné pour faire de ce séjour une belle parenthèse dans ces temps qui ne sentent pas bons. Merci à eux.

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.